Estampillés Claude Chevigny, maître le 27 avril 1768.
Époque : Louis XVI, ca 1780.
Matériaux : hêtre mouluré, sculpté et relaqué,
tapisserie du XVIIIe siècle, probablement de Beauvais.
Dimensions : H. 91 – L. 56,5 – P. 53 cm.
Lieu de conservation : collection particulière.
Description
Paire de fauteuils en cabriolet à dossier médaillon en hêtre relaqué « blanc de roi ». Simples, mais de proportions très harmonieuses, à la fois robustes et légers, ces deux sièges ont été particulièrement bien dessinés. Quant à leur exécution, elle est également d’une grande qualité. En témoignent notamment les rudentures dans les cannelures des pieds antérieurs comme des pieds postérieurs (ce qui est rare, même pour des sièges « volants » dont l’arrière pouvait être vu). On peut aussi remarquer que tous les dés de raccordement s’ornent d’un fleuron sculpté (et non simplement ceux de l’avant du siège). Enfin, les traverses de la ceinture ont été sculptées avec un raffinement discret, sous la forme d’un élégant défoncé bordé d’un léger méplat, lui-même accompagné d’un quart-de-rond (voir détail ci-dessous). Cet élément de décor se retrouve d’ailleurs sur une bergère en confessionnal conservée au Musée Bonnat à Bayonne. À noter aussi les mentonnets (supports de dossier) puissamment arqués. Enfin, ces deux cabriolets ont conservé leur couverture d’origine, une tapisserie à fleurs, vraisemblablement issue de la manufacture de Beauvais.
État
Excellent état des fûts. Bon état général de la tapisserie, à l’exception d’une manchette présentant une usure notable sur son côté gauche. Garniture à l’ancienne, à pelotes.
Restaurations
D’usage pour les fûts qui ont été relaqués. La tapisserie a également été restaurée en quelques endroits.
Commentaire
Beau modèle classique de « cabriolet » – appellation dont l’origine est incertaine. Roubo, auteur au XVIIIe siècle d’une importante somme de connaissances sur l’art du menuisier, écrit lui-même dans son ouvrage : « je ne sai pas trop pourquoi (l’on nomme ces sièges cabriolets), n’imaginant aucun rapport entre une Chaise cintrée en plan, & les voitures qu’on nomme de ce nom ; mais enfin c’est la mode, une Chaise pouvant aussi bien ressembler à une voiture que la coëffure d’une femme. »
Ce type de fauteuil, qui apparaît vers 1740, appartient à la gamme des sièges dits « volants » (qu’on déplace aisément) qui prennent généralement place au milieu d’un salon, par opposition aux fauteuils et chaises « à la reine » (à dossiers plats) dits aussi « meublants », car disposés le long des murs, contre les lambris. Ces sièges confortables se groupent donc autour des guéridons ou des tables à jeu, se prêtant à merveille à l’art de la conversation.
Au cours du XVIIIe siècle, tapisser un siège coûtait cher, autrement dit, en moyenne, sept fois le prix payé pour un bois de siège menuisé et sculpté. Cette échelle s’applique dans le cas du choix d’une étoffe, du type d’un velours d’Utrecht. Une tapisserie au point accroissait encore les coûts. Elle était faite sur commande pour s’adapter parfaitement au dessin du siège. Les grandes manufactures, Aubusson, Beauvais ou les Gobelins, garnissaient elles-mêmes les sièges dans leurs ateliers qui employaient des garçons tapissiers.
L’estampille présente sur ces fauteuils est celle de Claude Chevigny, chaisier établi comme la majorité de ses confrères rue de Cléry. Ce maître est connu pour avoir produit des sièges à l’exécution toujours très soignée et à la sculpture délicate. Il a été le fournisseur entre autres du duc de Choiseul (en particulier pour son château de Chanteloup) et du duc de Montmorency. Nombreuses sont ses réalisations figurant notamment au musée du Louvre, au musée Nissim de Camondo et au Metropolitan Museum of Art.
Pour finir, laissons la parole à Jean Nicolay : « (Claude Chevigny) avait un art particulier pour dessiner des fauteuils et des chaises dont la ligne générale et les proportions étaient particulièrement heureuses. Tous les meubles qui portent son estampille gardent ce cachet d’élégance, de finesse, qui est bien dans sa manière. Peu de Maîtres ont eu, d’une façon aussi constante, le souci du « fini ». »
Références bibliographiques
- Guillaume Janneau, Le Mobilier français, Les Sièges, Paris, Les Éditions de l’amateur, 1993.
- Pierre Kjellberg, Le Mobilier français du XVIIIe siècle, Dictionnaire des ébénistes et des menuisiers, Paris, Les Éditions de l’amateur, 1989.
- Jean Nicolay, L’art et la manière des maîtres ébénistes français au XVIIIe siècle, Paris, Éditions Pygmalion, 1986.
- Bill G.B. Pallot, L’art du siège au XVIIIe siècle en France, Paris, A.C.R-Gismondi Éditeurs, 1987.
- Jacques-André Roubo, L’Art du Menuisier en meubles, seconde section de la troisième partie de l’art du menuisier, Paris, Bibliothèque de l’image, 2002 (Fac-similé de l’édition de 1772.)
- Comte François de Salverte, Les Ébénistes du XVIIIe siècle, leurs œuvres et leurs marques, Paris, F. de Nobele, 1985 (septième édition).
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